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Quel avenir pour la gendarmerie

Par Le 08/04/2010

La gendarmerie est une vieille dame de plus de 8 siècles d'histoire. Cette vénérable institution que j'ai eu l'honneur de servir durant plus de 35 années connaît actuellement des changements importants avec des soubresauts auxquels tous les échelons hiérarchiques, ainsi que les plus hautes autorités de l'État doivent porter une très grande attention.

La loi du 3 août 2009 a scellé une évolution majeure, le rattachement d'une force militaire au ministère de l'intérieur. La loi a été votée par le parlement, dont les membres sont élus par le peuple, dont acte et je me garderai bien de critiquer la décision prise d'autant que de nombreuses consultations ont été menées dans le cadre des travaux préparatoires des assemblées.

La militarité de la gendarmerie a été affirmée dans ce nouveau texte législatif, fondateur de cette nouvelle gendarmerie. Le gendarme est donc un militaire et à ce titre, il est soumis à l'obligation de réserve. Les événements de 1989 et de 2001 que j'ai vécus directement, comme sous-officier, puis comme commandant de compagnie ont été très significatifs de ce malaise des gendarmes qui avaient la nette impression d'être des « laissés pour compte », d'être corvéables à merci sans contrepartie. Le mouvement de 2001 était en fait un prolongement de celui de 1989, les gendarmes ayant eu le sentiment que rien n'avait en fait bougé et que leurs demandes, pourtant pas inconsidérées, n'avaient pas été prises en compte. Ces mouvements d'humeur, avec comme point d'orgue la désastreuse image de la manifestation sur les Champs Elysées, où on a pu voir le cortège des voitures de service bloqué par des compagnies de CRS resteront pour moi une blessure qui ne se cicatrisera jamais.

Le gendarme est un militaire aux activités multiples au profit de plusieurs ministères dont celui de la justice. Il n'est pas dans ses habitudes de contester les décisions prises mais il observe ce qui se passe autour de lui. Sa disponibilité est reconnue, de même que ses compétences en matière de police judiciaire, de la recherche et du traitement du renseignement pour ne citer que ces deux missions parmi tant d'autres. Le maillage territorial fait que le gendarme fait partie intégrante du paysage de nos campagnes même si aujourd'hui on peut avoir l'impression de les voir moins souvent. Mais ce n'est qu'une impression.

Les réactions d'aujourd'hui certainement excessives pour certaines d'entre elles, montrent que le rattachement au Ministère de l'intérieur est sans doute mal vécu. Pour paraphraser un journaliste célèbre disparu récemment j'oserais dire « le gendarme a peur ». Il a l'impression d'être totalement impuissant et exclu des événements qui pourtant le concernent directement, qu'il a beaucoup à perdre, et que des pans entiers de son activité seront remis en cause. Il a le sentiment que la police nationale, institution civile, qui plus est syndiquée est plus écoutée par nos dirigeants. Les prises de position de certains responsables de la police et des instances syndicales irritent les gendarmes qui ont le sentiment que raison leur est donnée à leur détriment et que la gendarmerie pourrait y perdre son âme.

Opposer ainsi frontalement les deux forces, est à mon avis une très grave erreur car ce n'est certainement pas de cette manière que les gendarmes sortiront leur épingle du jeu. De même, les actes isolés, parfois désespérés de certains, mettant en cause les plus hautes autorités de l'état ne peuvent en aucune manière être encouragés. Le gendarme, soldat de la loi, peut s'exprimer en utilisant les instances de concertation, peut être insuffisantes ou vécues comme telles. Cependant les nouvelles orientations doivent être expliquées aux personnels. Cette pédagogie d'écoute et de prise en compte des récriminations est un moyen de canaliser les énergies. Il serait quand même paradoxal qu'à l'ère de la communication, le gendarme soit victime de ce manque de communication.

A force de regarder dans l'assiette du voisin, où la « soupe » est toujours meilleure, à force de vouloir trop lui ressembler, ce qui faisait la différence disparaît progressivement. Alors où est l'intérêt de maintenir deux forces distinctes? Peut être économique ? Je n'en suis pas certain. Avant de quitter le service actif, je me souviens avoir dit à mes camarades gendarmes, qu'il ne fallait pas avoir peur des évolutions à venir, mais au contraire, c'était sans doute le moment de démontrer notre compétence, notre savoir faire. Ceux qui pensent aujourd'hui rendre service à la gendarmerie par des prises de position malheureusement intenables ou en utilisant l'insulte se trompent lourdement.

La gendarmerie ne doit pas avoir peur de communiquer. Une réflexion sur l'ensemble des moyens de communication actuels au sein de cette institution, y compris sur les instances de concertation, doit sans doute être menée de manière à trouver les adaptations nécessaires, et ainsi mettre en place de vrais moyens de communication. Il ne s'agit pas de franchir le pas du syndicalisme, mais de se doter de véritables relais d'opinion reconnus de tous. Cet investissement est important, car le gendarme est tout sauf un naïf, et l'époque du « gendarme de Saint Tropez » est révolue depuis bien longtemps. La diversité de ses compétences, ses résultats, sa place dans la société doivent lui permettre de survivre probablement au prix de certaines adaptations.

Il appartient aux hommes politiques, de veiller au devenir de la gendarmerie, de dire clairement quelles sont les orientations à moyen et long terme. La langue de bois doit à cet égard être bannie. Il faut avoir le courage de ses opinions et surtout le courage de dire tout haut de quoi demain sera fait. Le soutien des élus nationaux est à cet égard important et sans doute à rechercher et à susciter. En revanche, les actes isolés sont néfastes et n'apportent aucun élément positif au débat. Le gendarme a besoin de retrouver une certaine confiance, d'être écouté et compris. Les bouleversements actuels ne sont pas anodins et cette inquiétude, légitime, qui traduit l'attachement viscéral des gendarmes à leur institution, doit trouver un écho de la part des dirigeants politiques mais aussi de la hiérarchie. Ne dit on pas que la gendarmerie est une « force humaine » alors faisons en sorte que ce soit pas un vain mot.