procédure pénale

LA GARDE A VUE

Par Le 15/05/2010

C'est le grand débat politique du moment. Fortement critiquée depuis plusieurs années, la garde à vue est aujourd'hui sérieusement remise en question et les récents évènements n'ont fait que précipiter l'annonce d'une nouvelle réforme de la procédure pénale.

Au cours de ces 30 dernières années, jusqu'à la loi "Perben II" du 9 mars 2004 la procédure pénale a fait l’objet de nombreuses modifications. En premier lieu, les réformes adoptées visent à répondre à des phénomènes nouveaux (criminalité organisée, avancées scientifiques et technologiques). En second lieu, le droit évolue aussi en raison de l’absence de consensus politique dans ce domaine avec un effet de balancier, tantôt il s'agit de renforcer les pouvoirs de l'enquête, tantôt on estime que les pouvoirs sont exhorbitants et qu'il y a lieu de mieux les encadrer.

Dans ce contexte, la garde à vue, mesure privative de liberté décidée par un enquêteur officier de police judiciaire est sans cesse remise en cause. Tout ceci est entretenu par une certaine suspicion vis à vis des gendarmes et des policiers dont certains n'hésitent pas à les comparer à des tortionnaires dénués de toute humanité...

Après la vidéo obligatoire pour la garde-a-vue des mineurs, la loi de 2007 a consacré la vidéo pour certaines gardes à vue concernant les majeurs: « Les interrogatoires des personnes placées en garde à vue pour crime, réalisés dans les locaux d’un service ou d’une unité de police ou de gendarmerie exerçant une mission de police judiciaire font l’objet d’un enregistrement audiovisuel. »

Aujourd'hui la réforme de la procédure pénale comprendrait un nouveau volet concernant la garde à vue avec une demande très forte de la présence de l'avocat dès la première heure et pendant l'interrogatoire.

J'aurais tendance à dire, pourquoi pas ? Les enquêteurs n'ont rien à cacher, mais on risque de se retrouver face à une justice à deux vitesses, d'une part les délinquants chevronnés en mesure d'être assistés effectivement de leur avocat pendant toute la durée de l'audition et d'autre part les autres délinquants où la présence de ce conseil risque d'être plus aléatoire. En effet, la garde à vue peut intervenir à n'importe quelle heure du jour et de la nuit, et en fonction des enquêtes, concerner plusieurs personnes en même temps. Alors si la présence de l'avocat est obligatoire quid de l'enquête si le nombre est insuffisant pour assister effectivement le délinquant ou le criminel objet de la mesure.

Tout ceci semble entrer dans une logique de remise en cause permanente des enquêteurs, « prêts à tous les excès » pour obtenir des aveux. Sous l'Ancien Régime, l'aveu est la reconnaissance par un individu de l'exactitude d'un fait allégué contre lui, ce qui constitue le mode de preuve du fait avoué. Il s'agit d'un élément de preuve laissé à l'appréciation du juge sans lier celui-ci. Cependant, depuis plusieurs années, en particulier depuis le développement de la preuve scientifique, l'aveu a gardé une valeur symbolique, mais sa valeur probatoire ne fait plus l'unanimité, perdant ainsi son statut de «reine des preuves».

Alors les enquêteurs utiliseraient ils la garde-a-vue pour extorquer au prix de violences physiques ou morales des aveux ? L'enquête judiciaire a bien évoulé au cours de ces trente dernières années et aujourd'hui, la garde-a-vue est pratiquement le dernier acte de l'enquête. En effet, les actes effectués en amont doivent permettre de désigner  le ou les auteurs, alors que l'audition finale, sous le régime de la garde-a-vue est destinée prioritairement à définir le degré d'implication de chacun.

Certes il y a encore parfois des excès, de nos jours fortement médiatisés, parfois à juste raison, mais parfois aussi à tord.  De temps en temps , les commentateurs seraient bien inspirés de rapporter les faits de manière impartiale. Les enquêteurs qui se rendent coupables de certains excès connaissent les risques encourus. Il ne saurait être toléré que la hiérarchie de la gendarmerie ou de la police couvre de tels actes de la part des enquêteurs, mais il faut aussi se méfier des affirmations de certaines personnes qui auraient été victimes des derniers outrages... Lorsqu'il s'agit de discréditer, tous les moyens sont bons. Il peut même devenir un système de défense et semer le doute et le trouble. Les droits accordés dans le cadre de la garde-a-vue sont à mon sens déjà nombreux et permettent de détecter rapidement les débordements éventuels.

Ceci étant, bien entendu, une fois de plus, les enquêteurs sauront s'adapter aux nouvelles évolutions qui seront imposées dans le cadre législatif. J'aurais tendance à penser quand même que toutes ces évolutions ne facilitent pas leur travail, et que la confiance dont ils bénéficient est très limitée malgré leur loyauté. Les gendarmes et les policers sont des êtres humains, recrutés dans la population avec leurs qualités et leurs défauts, comme dans tous les corps de métier, à cette différence prêt, leur action est contrôlée au quatidien par leur hiérarchie, mais également par les autorités judiciaires.

Je sais que cet article n'emportera pas l'adhésion de tous les lecteurs. Il n'est pas destiné à alimenter une polémique quelconque mais de livrer le sentiment personnel d'un passionné de la police judiciaire. La noblesse de cette activité destinée à traduire devant la justice les malfrats ne souffre d'aucun amateurisme source de bien de vicissitudes et de remises en cause, donnant ainsi une image désastreuse des enquêteurs en charge de cette mission.

Principales références du Code de procédure pénale sur la garde à vue en matière de droit commun :

Article 63 Modifié par Loi n°2002-307 du 4 mars 2002

Article 63-1 Modifié par Loi n°2004-204 du 9 mars 2004

Article 63-2 Modifié par Loi n°2002-307 du 4 mars 2002

Article 63-3 Modifié par Loi 93-1013 1993-08-24 en vigueur le 2 septembre 1993

Article 63-4 Modifié par Loi n°2004-204 du 9 mars 2004 en vigueur le 1er octobre 2004 et par Loi n°2004-204 du 9 mars 2004 en vigueur le 1er octobre 2004

Article 63-5 Créé par Loi n°2000-516 du 15 juin 2000 en vigueur le 1er janvier 2001

Article 64 Modifié par Loi n°2000-516 du 15 juin 2000 en vigueur le 1er janvier 2001

Article 64-1 Créé par Loi n°2007-291 du 5 mars 2007 en vigueur le 1er juin 2008

Article 65 Modifié par Loi 93-1013 1993-08-24 en vigueur le 2 septembre 1993

 

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